Cette vidéo revient sur le spectacle qui a eu lieu aux Rencontres de l’Esprit Critique 2022 (REC). J’avais à ce moment-là réagi sur Twitter ce qui m’a valu une belle shitstorm mais surtout une invitation à l’événement l’année suivante, cette année 2023, pour parler de mon sujet de lutte qu’est l’antipsychiatrie. Il n’est pas question ici de boycotter l’événement mais d’analyser un spectacle qui s’est déroulé à la clôture de celui-ci. Je pense qu’il est important de conserver sur internet une trace de ma version des faits de cette histoire, mais surtout un contenu critique sur les discours et les images véhiculés. La vidéo sort un an après pour diverses raisons mais notamment parce que je ne voulais pas faire de mauvaise pub aux REC si un énième drama sortait.
Je me suis permise quelques libertés de corrections de la version audio pour que le contenu soit plus lisible à l’écrit.
Introduction
Bonjour à toutes et à tous vous êtes sur la chaîne de Xanaria. Je vous propose du contenu antivalidiste et antipsychiatrie la plupart du temps, mais aussi 2-3 sessions de gaming (anglais, fait de jouer aux jeux vidéo). Tout ça se passe sur ma chaîne Twitch, donc n’hésitez pas à venir faire un coucou ! Vous pouvez vous abonner ici sur YouTube pour accéder à du contenu monté, ou me rejoindre sur Twitter pour suivre toute l’actualité de nos communautés militantes. Tous les liens sont en description. Cette vidéo analysera les discours psychophobes que j’ai relevés durant le spectacle du REC, mais aussi ceux qui suivront en réponse à ma dénonciation. Il y aura une partie 2 à ce format qui concernera plus spécifiquement mon harcèlement et comment je l’ai vécu, mais aussi et surtout mon témoignage en tant que personne psychiatrisée.
[TW] Je me permets de faire des mentions de trigger warning car dans cette vidéo on va parler du REC mais aussi d’antipsychiatrie. Il va donc y avoir des mentions et des images qui peuvent choquer les personnes sensibles aux sujets suivants : violences médicales, contention et isolement.
Le spectacle
Le REC ce sont les Rencontres de l’Esprit Critique, un événement annuel et qui a commencé en 2021. Je suis donc allée cette année, les 22 et 23 Avril 2022, à Toulouse pour aller voir de superbes conférences qui ont été faites durant ces deux grosses journées bien denses. J’ai passé un super moment, j’ai pris tout plein de notes, j’ai appris tout plein de choses. Je remercie notamment Elizabeth Feytit (Meta de Choc), Albert Moukheiber, que j’avais déjà vu au MK2 Bibliothèque pour un sujet qui tourne justement autour de la santé mentale dans la pop culture, horizon-gull, Charlotte Barbier (de la chaîne Langues de Cha’), Richard Monvoisin, dont j’avais regardé les cours disponibles sur YouTube. Tout un tas de personnes pour lesquelles j’étais très contente d’assister en direct live aux conférences.
Il y a eu donc deux soirées : celle du 22 et celle du 23. Je ne suis pas allée à la soirée du 22, j’étais trop épuisée, j’ai préféré rentrer. Je suis donc allée à la soirée de clôture qui proposait un grand spectacle animé par Clément Freze, Astronogeek et tout un tas d’intervenant‧es. Nous avons dans ce spectacle un running gag qui va tourner autour du cancel (anglais, boycott) d’Astronogeek par internet : Astronogeek souffre d’être annulé par tout un tas de personnes qui le harcèlent et cette souffrance, tel qu’il le dit lui-même, le pousse à être fou, le pousse à la folie. Il va donc falloir s’occuper de cet Astronogeek fou qui arrive sur scène.
Première vidéo
Deux premières blagues font leur apparition : on a une représentation d’un Astronogeek qui sort de ses gonds, ne maîtrise plus grand-chose, et qui semble aussi peut-être imprévisible, peut-être dangereux, je ne sais pas, mais en tout cas un Astronogeek qui, somme toute, ne va pas bien et qui semble gêner le spectacle. Clément tient à ce moment-là le rôle un peu paternaliste de celui qui doit s’occuper d’Astronogeek pendant cette période où il ne se sent pas bien.
J’essaie de mettre des pincettes sur les intentions des protagonistes ici, dans ce spectacle, et sur comment on peut décrire la scène. Je vous expliquerai ensuite l’analyse que j’en ai eu, puisque j’en ai fait un thread sur Twitter. En tout cas, à ce moment-là, je vois deux blagues passer et je comprends qu’on est sur un running gag puisque l’idée c’est de faire rire le spectateur rien qu’à l’évocation du mot Twitter. À chaque fois que le mot Twitter est prononcé Astronogeek entre sur scène et hurle au point de potentiellement déranger la tenue du spectacle. Je suis là pour décrire les choses de mon point de vue. Je ne suis pas là pour jeter qui que ce soit je ne sais où. Faites votre propre avis. Je vous donne ma version des faits parce que jusqu’ici, tout le monde semble avoir fait de longues publications, des vidéos, des tweets pour expliquer leur version du spectacle et de leur vécu du spectacle. Je ne l’avais pas encore fait. Je le fais ce soir.
[Le chat mentionne le logo porté sur la camisole d’Astronogeek.] Astronogeek avait ce soir-là un logo sur sa tenue. Tu fais bien de le rappeler, je ne l’ai pas mentionné. Un logo de la Ligue antifasciste de Nantes, référence à la récente dissolution de cette association de lutte contre le fascisme par Gérard Darmanin. Cet élément est aussi important. Moi, ce n’est pas l’élément que je vais analyser ici, puisque l’idée c’est de vous expliquer en quoi je considère que ce qui s’est passé, ce soir-là, c’était de l’humour psychophobe. Je ne dis pas que les personnes qui ont écrit ce sketch, ou du moins joué, même en improvisation, sont des personnes psychophobes. On n’est pas là pour qualifier qui que ce soit. Par contre, les faits sont psychophobes.
Je ne m’étais pas énormément exprimée sur le pourquoi du comment. J’ai tenté un petit peu de répondre à aux tweets qui me tombaient dessus. Il y a eu beaucoup de choses qui me sont tombées dessus à la suite de ce tweet.
Clairement, quand j’ai filmé et tweeté, je ne pensais pas qu’on allait en arriver là. Je sais qu’on m’a beaucoup prêté des intentions : je fais ça pour le buzz, pour créer du drama, parce que je savais que ça allait buzzer… Pas du tout. Je ne savais pas que ça allait buzzer.
Moi, je fais ce que je fais d’habitude, c’est-à-dire que je m’exprime. Et je m’exprime dans des espaces où j’ai la possibilité de m’exprimer plus ou moins en sécurité. Quand on est dans une salle de spectacle avec plus d’une centaine de personnes qui rient, qui s’esclaffent, qui applaudissent de l’humour psychophobe, je ne suis pas en mesure de m’exprimer librement et en sécurité du haut de mes 1m60, de mes petites genouillères qui tiennent à peine mes genoux tous cassés. C’est pas possible. Donc je me suis exprimée sur un espace public, qui n’est pas la place publique IRL mais qui est la place publique en ligne, celle de Twitter. Et je me suis dit “précise quand même, parce que le si t’as a été choquée il y a moyen que d’autres personnes soient choquées aussi à ce moment là”.
À propos du TW : J’ai considéré que c’était des violences médicales puisqu’on a la mention de la camisole et de la sédation.
Je mentionne déjà que je sais bien qu’il s’agit d’un running gag. Vous savez, je quand je lance la vidéo je ne sais pas à quoi je vais avoir affaire et au moment où je filme je le vois arriver avec une camisole. Mais je me dis “bon, ça va, c’est léger, on le fait passer pour la figure clichée et stigmatisante du fou dangereux imprévisible”. Mais là, la camisole, je vous avoue que je ne m’y attendais pas. Donc je vous passe rapidement la vidéo (lien vers le passage sous-titré sur YouTube).
Clément rappelle sa médicamentation. Je ne sais pas de quel statut il le fait. Est qu’il le fait depuis un statut de médecin ou de proche aidant ? Dans tous les cas il y a quelqu’un qui doit sédater Astronogeek. On voit ici qu’il y a une posture d’Astronogeek de ne pas être maître de sa médicamentation pour commencer.
Quand je vois cette scène je me dis qu’il faut que je la tweete parce qu’en fait c’est mon sujet. C’est mon sujet l’antipsychiatrie et ce que je vois là me choque. Et on va mettre les choses au clair : je tweete de mon point de vue, en tant que personne concernée par la psychiatrie et les violences psychiatriques.
J’ai été hospitalisée par deux fois sur un total de trois mois. C’est rien comparé par exemple à ma soeur qui a fait déjà plus d’un an (et là je pense qu’ à son compteur elle doit être un an et demi d’hospitalisation). Et les violences psychiatriques, pour le peu de temps que j’ai passé, elles étaient pas mal. Notamment avec de la menace de contention mais ça on le verra, j’ai fait un petit thread là-dessus. J’ai une amie qui s’est faite contentionner et pour laquelle on ne retirait pas les contentions. Et puis de toute façon, comme l’anecdote ne fait pas foi chez les sceptiques, je peux rappeler qu’il y a des rapports de la Haute Autorité de Santé (HAS), mais on a aussi des rapports des lieux de privation de liberté (CGLPL). Et dans ces rapports, il est bien précisé que très peu de libertés sont respectées pour les usagers de la psychiatrie (comme on les appelle).
Donc ici déjà, on voit qu’il n’est pas libre de prendre lui-même sa médicamentation. Il n’est pas non plus libre de se déplacer, de se mouvoir, de se déplacer, parce qu’il veut se déplacer dans un espace qu’on lui refuse, à savoir la scène. Il n’est pas libre de se mouvoir puisqu’il est déjà contentionné, à savoir par la camisole. La camisole étant une contention qui nous vient des asiles psychiatriques, c’est à dire de la période aliéniste. Et durant cette période on arrête non pas juste avec la camisole, mais on arrête avec les chaînes, c’est-à-dire qu’avant on enchaînait les fous. Ensuite, on les a mis sous camisole et on a arrêté ensuite l’usage de la camisole uniquement parce que les neuroleptiques ont fait leur arrivée sur le marché pharmaceutique. Les patients pouvaient être calmés directement par ingestion de neuroleptiques mais parfois ça ne suffit pas donc la contention physique existe toujours. Je tiens à rappeler que la contention existe toujours, sauf que cette fois-ci, elle existe au travers de sangles. C’est un système de sangles qui sont attachées à un lit, lui-même isolé dans une pièce que l’on appelle une pièce d’isolement. Si je ne me trompe pas aujourd’hui, on appelle même plus ça une pièce d’isolement mais une chambre de repos* (il existe d’autres terminologies listées dans le rapport CGLPL), bref, c’est un autre terme pour ne pas te dire qu’en fait tu vas passer plus de 24h seul‧e sans pouvoir te déplacer, te mouvoir, aller uriner, pouvoir voir l’heure ou pour pouvoir faire n’importe quelle activité puisque tu es littéralement attaché‧e de tes quatre membres. Et ça, a un lit dans une pièce où il y aura très peu de passage. On ne va pas forcément vérifier si tu as besoin de quoi que ce soit, voire tu n’as même pas la possibilité de te mouvoir assez pour pouvoir faire appel à la petite sonnette – quand elles ne sont pas désactivées, parce qu’il paraît que des usagers utilisent trop la petite sonnette d’alarme et donc le personnel les désactive. Vous n’avez pas non plus accès forcément à une horloge. Souvent, les chambres ont un petit fenestron duquel n’importe qui peut vous voir. Et puis je tiens à préciser qu’on comptabilise environ une quarantaine de morts sur dix ans de la contention. Parce que la contention peut tuer tout simplement : quand elle est mal faite, quand elle n’est pas surveillée. Ca peut mener à l’obstruction des voies respiratoires, à la chute du patient, etc. Tout simplement aussi le fait de ne pas s’assurer de la bonne santé du patient et donc de le laisser dépérir dans cet état.
La camisole n’existe potentiellement plus, n’empêche que la contention existe toujours. Elle a juste changé de forme. La camisole c’est pas juste un mythe. C’est une réalité. Une réalité qui aujourd’hui est transformée au travers de sangles mais quand même une réalité pour énormément de patients et donc d’usagers de la psychiatrie.
Pour ce qui est de la question du cancel d’Astronogeek, le sujet est très vaste et je ne suis pas la mieux placée pour pouvoir en parler. Moi je vais m’en tenir vraiment à la psychophobie parce que je peux vous dire qu’on en a déjà beaucoup à faire rien qu’avec ça.
On a eu un petit “couac” sur cette scène : Astronogeek s’est un peu échappé alors qu’il était contenu. On imagine bien qu’une personne qui est contenue s’est expressément parce qu’elle est trop agitée, qu’elle peut être dangereuse pour elle-même ou pour les autres. Donc si là il arrive sur scène c’est plus ou moins qu’il s’est échappé du lieu où il devait être maintenu et je ne sais pas trop à quoi est fait référence quand il parle du porche. J’aurais bien aimé peut-être avoir plus d’information là-dessus, mais les détails qui seront donnés a postériori de ce spectacle ne reviendront pas sur ces propos.
Donc je tweete ça et puis ça commence déjà. Je commence à recevoir pas mal de notifications alors que je continue de vivre le spectacle sans regarder mon téléphone. Par contre je garde mon téléphone et je constate qu’Astronogeek va revenir sur scène pour ce type d’humour. Je prépare mon téléphone pour la potentielle suite de la blague parce que je sais très bien que filmer une seule fois ça va pas suffire, que ça va être considéré (comme on me l’a reproché finalement) sorti de son contexte, que c’est peut-être juste une “pauvre petite blague”. Moi je voulais montrer le comique de répétition.
Je fais tout de même un petit tweet pour décrire le visuel de cette vidéo pour les personnes qui ne peuvent pas avoir accès visuellement au contenu.
Deuxième vidéo
On a d’un côté Clément Freze, occupé avec Internet qui est en train d’annuler, de cancel Astronogeek, et de l’autre Astronogeek qui est sur scène pour, j’imagine, être annulé. Et à ce moment-là on le voit semblerait-il imiter ce que c’est qu’une personne sédatée : les yeux un peu hagard, un énorme sourire béat, en disant qu’il va mieux.
Astronogeek, a priori, a reçu sa dose (potentiellement donc la fameuse “demi seringue” qu’avait demandé Clément) et il est déjà sous l’effet de la sédation, à savoir un petit peu dans les vapes puis, semblerait-il, très heureux d’avoir été sédaté. En tout cas il est très calme – c’est de toute façon l’objectif d’une sédation et d’une contention. Et là, vous la voyez bien la contention est représentée avec les bras et les mains qui ne peuvent pas sortir des manches.
Très important aussi : nous avons une personne qui lui tient bien les épaules. On se dit que c’est un membre du staff ou juste une personne lambda. Pour un patient, c’est très facile de se dire qu’on a affaire ici, soit un proche aidant, soit un médecin, soit un infirmier ou un aide-soignant.
C’est une scène qui arrive très souvent : avec un patient un peu trop agité, dont on a peur des comportements ou en tout cas dont on voudrait guider les comportements et les déplacements, eh bien on a ce type de gestes très paternalistes (de venir contenir un peu la personne par les épaules pour essayer de le diriger).
C’est pas une bonne tape dans le dos quoi. À ce moment-là, Clément Freze voit quand même qu’Astronogeek est peut-être trop sédaté. Il va lui demander quel est le médicament qu’on lui a donné : “[…]quelle est la seringue ? C’est la rouge ou la verte ?”. Pour les personnes qui ont été sédatées vous me direz si vous prenez de la rouge, de la verte, ça m’intéresse. Moi, perso, c’était par cachet. Astronogeek ne répond pas et continue de regarder dans le vide parce qu’il est complètement shooté. On lui prend sa température parce que potentiellement il n’est peut-être pas très bien. Et tout ça fait partie du comique.
Clément continue de gérer les réseaux sociaux qui sont en train d’annuler Astronogeek. “Cancel”. Rien que le mot “cancel”, le fait qu’il va devoir se retirer de la place publique, a priori des réseaux sociaux, le met fortement en colère. Une personne se charge donc de le faire évacuer. Est-ce que cette personne représente les réseaux sociaux qui le virent de la scène sociale, de la scène publique, mais aussi de la scène de spectacle ? Est-ce qu’il s’agit d’un médecin ? En tout cas, le parallèle est très simple à faire. On lui fait “non, non, non” de la main. Je ne sais pas si, du coup, ils communiquent à ce moment là avec Clément et que donc ce n’est pas vraiment les réseaux sociaux mais plutôt quelqu’un qui est chargé de le virer de la scène.
Puis on entend hurler Astronogeek. Et vous savez quoi ? Moi limite la camisole, c’est peut-être le truc qui m’a le moins choquée. Parce qu’autant que je parle un petit peu aussi de mon ressenti plus personnel sur la question. Parce que jusqu’ici, je vous fais quelque chose d’assez factuel, un petit peu loin de de toute émotion. Moi je préfère vous dire c’est plutôt les cris d’Astronogeek quand il est évacué de la scène et qu’ils hurle “non” qui m’ont particulièrement choquée. Et qui encore maintenant me mettent très très mal. Je dirais pas “mal à l’aise”. Je dirais vraiment me font bader* (de l’anglais bad, triste), parce qu’en fait, cette scène là, je l’ai vécue. Je l’ai vu moi-même dans l’hôpital dans lequel j’étais où effectivement, les patients, quand on les emmène, c’est comme ça que ça se passe. Ca hurle et ça hurle pour sa propre protection. C’est pas la folie qui est en train de parler, parce que la folie n’a jamais parlé d’elle même. Ce sont toujours des patients qui parlent. Mais sous prétexte qu’ils sont essentialisés par leur folie, eh bien on se permet tout un tas de choses et notamment e de ne pas respecter leurs droits et libertés là par exemple, la liberté de mouvement, la liberté de communiquer, la liberté de se mouvoir et moi perso, c’est ça qui m’a énormément choquée.
C’est pour ça que je précise dans mon tweet que la violence de cette moquerie est insupportable parce qu’au final on a de la sédation, de la contention, tout un personnel qui est autour de d’Astronogeek pour le virer de la scène, un Clément Freze qui se veut bienveillant mais qui se charge de sa médicamentation dont le comique justement est sur ce paternalisme qu’il a sur lui.
Astronogeek qui devait présenter (je crois) n’a pas pu parce qu’il n’était pas assez bien pour et donc Clément va devoir présenter à sa place.
Pendant ce temps j’avais déjà publié mes deux tweets et alors que le premier tweet est déjà bien parti et je me rends compte que, dis donc, ça buzz ! Je n’avais pas prévu. La seule fois où j’ai dû buzzer c’était pour la question de la déconjugalisation de l’AAH où j’ai dû faire une superbe vanne contre Macron par rapport aux droits des personnes handicapées. Pour une dénonciation c’est bien la première fois et je commence déjà à avoir tout un tas de réponses, des messages de soutien, des messages de personnes qui sont choquées. D’abord, je pense qu’il y a énormément de personnes choquées qui ont réagi. Et ensuite, petit à petit, tout un tas de personnes qui vont s’opposer à ma dénonciation pour expliquer à quel point il n’y a pas lieu de s’insurger puisqu’il n’y a rien de grave ni de choquant.
Tout ce “drama“ (on va l’appeler comme ça, puisque c’est comme ça qu’il est nommé par toutes les personnes qui ont été mises dans cette histoire) va arriver aux oreilles de Clément Freze.
Troisième vidéo
J’ai supprimé la précédente vidéo parce que j’y laissais des informations que Clément ne voulait pas que je laisse au grand public, mais la version coupée vous laisse un petit peu l’idée de la situation dans laquelle je me retrouve quand mon tweet buzz et que je me retrouve avec une personne sur scène qui potentiellement m’appelle à venir la voir après le spectacle. Voilà ce à quoi je fais face au moment où le tweet s’enflamme : je fais face à une personnalité publique qui se fait acclamer par toute la salle et qui commence déjà à me placer comme son ennemi numéro un.
Il a fallu donc pour pour respecter la demande de Clément, que je supprime le tweet, donc j’ai pu les messages de soutien. Mais tout un tas de personnes, effectivement, à ce moment-là, comprennent que je me trouve dans une situation assez compliquée.
Dans le chat une personne dit : “Ajoutons à la violence du sketch la violence du fait de pointer du doigt quelqu’un devant tout le monde.”
Alors Clément me dira que il pointait la sortie. On va faire nos sceptiques, hein, moi, personnellement, je vais suspendre mon jugement. J’ai réellement envie de croire Clément quand il me dit que ce n’est pas moi qu’il pointe du doigt. Il m’a expliqué par messages privés que c’est la sortie qu’il pointait. Si vous voulez dans la diagonale là, la sortie, il n’aurait pas dû la pointer comme ça (vers les gradins), il aurait dû la pointer comme ça (bras tendu le long du couloir de sortie).
Mais je vais lui laisser le bénéfice du doute. Ce n’est pas moi (même si là on a vraiment l’impression que c’est moi qu’il est en train de pointer du doigt) mais la sortie. Sachant qu’en plus de ça, ils pointe du doigt non pas au moment où il parle de la sortie, mais au moment où il parle de la personne. Mais je ne vais pas faire mon Fabien Olicard, c’est pas le but.
Tout un tas de personnes vont retweeter. Nous allons avoir notamment une personne qui va retweeter mais en taguant tout un tas de personnes, les sponsors, le REC et je pense en fait que tout est parti de là. Tout est parti de cette confusion qu’il y a eu entre mon tweet de dénonciation avec mes vidéos et la somme de tags qu’une autre personne a faite en voyant la vidéo. Donc je comprends, a priori, qu’il y a eu confusion.
Je décide d’aller voir Clément à la fin du spectacle.
La réception du spectacle
Déjà, ce qui va être intéressant, c’est qu’il y a deux ou trois personnes qui vont finalement expliquer ce qui les a fait rire dans le spectacle. Et ce qui les a fait rire c’est bien évidemment le caractère psychophobe de la vanne.
L’utilisation du terme de “mongol” pour désigner les personnes qui ont une trisomie 21 s’est faite sur simple prise en compte des critères physiques de la trisomie 21, ou en tout cas des traits les plus de stigmatisés. Et comme ce sont des traits qui se rapprochent de l’imaginaire d’une personne asiatique, pourquoi pas parler de mongols, voilà. Et donc parler de personnes qui étaient atteintes de mongolisme, des mongols, ça donne ensuite le terme “gogole” qui en est un dérivé.
Et tout ça bien évidemment, c’est complètement psychophobe en plus d’être raciste comme je vous l’ai montré par ce que ce sont des termes qui sont là pour critiquer les capacités intellectuelles, les capacités mentales et les comportements d’un individu. Souvent, quand on parle de mongol ou de gogole, c’est pour rappeler une déficience intellectuelle.
Et donc ça, c’est ce qui fait rire dans ce sketch pour cette personne du public. C’est bien donc le ridicule obtenu par les clichés psychophobes de la déficience intellectuelle. Parce que peut-être que vous ne le savez pas mais la déficience intellectuelle n’est pas un diagnostic. C’est une détection qui passe par un test qui s’appelle la WAIS et l’idée c’était de détecter les enfants qui seraient mauvais à l’école. Toute la base de cet examen est fait sur les compétences que l’on est censé avoir pour réussir à l’école, ou en tout cas pour pouvoir suivre le cursus scolaire ordinaire. Tout enfant qui ne passerait pas les tests serait rangé dans la catégorie de la déficience intellectuelle, c’est-à-dire à partir de deux écarts-types de la moyenne qui est toujours à 100.
On va donc parler de déficience intellectuelle, de retard mental, de débilité, de tout un tas de mots que vous connaissez bien et qu’on utilise très souvent dans le langage courant pour ridiculiser, dénigrer un individu sur base de son discours, sur base de sa réflexion ou de sa logique.
On part du principe très stigmatisant, très cliché et très faux que le discours, la réflexion, la façon de penser d’un individu dépendent de son intelligence. Intelligence qui ne peut être détectée que sur cette fameuse échelle de Weschler. C’est un test qui est classiste, qui est raciste et qui en plus est vadiste puisqu’l suffit que vous ayez un trouble de la motricité pour que l’on vous déclare déficient dans un dans une des épreuves qui nécessite de manipuler des cubes (parce que ce genre de critères ne sont pas pris en compte pour calculer le fameux quotient intellectuel). Mais il est aussi donc classiste et raciste puisqu’il faut avoir une base culturelle française pour passer les tests en France et puisqu’il y a un test de culture générale et un test verbal. Dans les questions que vous avez notamment sur le thème de la BD franco-belge. Moi, je me souviens que j’ai eu Yourcenar (rire). Enfin bref, tout ça pour dire que la défience intellectuelle, ça fait partie des détections qui sont très stigmatisées. Et vous le savez aujourd’hui, ce test de la WAIS est utilisé surtout pour les personnes qui souhaitent savoir si elles sont haut-potentiel. On voit-là le classicisme et l’élitisme d’une telle détection, qui n’est pas un diagnostic je le rappelle, mais bien une détection d’un coefficient intellectuel selon les critères qui ont été sélectionnés. Et on voit bien qu’il y a beaucoup d’élitisme là-dedans puisqu’aujourd’hui on a deux populations : on a celle qui va être haut-potentiel et qui va pouvoir jouir d’une détection qu’elle va prôner comme un diagnostic et e qui va pouvoir se sortir de la psychiatrie tout en se disant faire partie du groupe des personnes qui ont des difficultés psychologiques à cause de leur trop grande intelligence.
Et l’autre groupe, ce sont les personnes qui vont être catégorisées dans la déficience intellectuelle et qui, je vous le rappelle, subissent de la ségrégation dès la détection. Souvent dès l’enfance, la ségrégation commence à l’école, elles vont partir en institution, elles ne vont pas pouvoir accéder à un emploi sur le marché du travail ordinaire et bien souvent vont finir exploitées dans ce que l’on appelle les ESAT (Etablissement et Service d’Aide par le Travail) . Ce sont des établissements où les personnes sont payées en-dessous du SMIC, qui ne vont pas travailler sous le code du travail et qui vont travailler autant qu’un salarié en ordinaire, mais vont rester enfermées dans des lieux où elles vont faire de la manutention et notamment, par exemple, faire à manger pour des hôpitaux du coin. Bref des gens qui n’ont pas beaucoup de droit et qui vont être exploités toute leur vie sous prétexte qu’ils soient handicapés. Donc voilà pour la ségrégation de ces enfants puis adultes qui sont catégorisés dans la déficience intellectuelle.
Il y a un livre d’un journaliste qui est allé enquêter et qui a parlé avec plein de personnes qui ont témoigné : Handicap à vendre. Resteriez-vous 7h à trier des vis ? Eux oui. C’est une enquête qui a été menée par Thibault Petit. Vidéo de présentation de l’enquête ici.
Réponse à Fantine
Je ne peux pas afficher les tweets de Fantine car, pour le moment, son compte Twitter est suspendu. Je n’ai pas les screens. Uniquement la captation via ma vidéo. Pour voir le passage c’est ici.
Maintenant, je vais vous reprendre mes tweets que j’ai fait par rapport à ce que Fantine a sorti comme thread pour justifier, après coup, le spectacle. Donc là, elle fait toute l’explication sur en quoi c’était compliqué de faire ce spectacle. Je vous passe le contexte de la création du spectacle parce que ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est les propos qui ont été énoncés et leur caractère psychophobe. Parce que l’idée n’est pas de savoir si c’est grave ou pas d’avoir été dans un discours psychophobe, c’est pas ça. Le fait qu’il y ait eu de la fatigue avant ou quoi c’est pas le sujet. Le sujet c’est de reconnaître en fait que les propos étaient psychophobes, le caractère des propos étaient psychophobe, et qu’il faut décortiquer tout ça et comprendre pourquoi c’est psychophobe.
Je sais que je réponds à Fantine qui dit que je ne fais pas mention de la réplique de Clément. Non, je ne fait pas mention parce que quand je décris les éléments importants de la vidéo c’est parce qu’en fait je fais une description pour les personnes qui ne peuvent pas voir la vidéo. Je ne fais pas une description pour dire “regardez ça, c’est ça qui est important”. Mais c’est pas grave. Elle est peut-être pas au courant qu’il est important, quand on publie des photos et des vidéos, de faire des descriptions du contenu pour que les personnes qui ne peuvent pas voir les images ou les vidéos puissent se référer à ce texte alternatif.
Elle, par contre, elle précise qu’il faut faire mention du propos : “J’avais demandé à ce qu’on lui mette la demi seringue. C’est pas grave.” Pour elle c’est important. Pour moi c’est vrai que c’est important aussi, mais je crois qu’on n’a pas affaire à la même interprétation du propos.
Ce qui semble être problématique, selon elle (mais elle ne l’explique pas clairement), c’est la contention physique. Alors, mettons les choses au clair, ce qui est mimé ici c’est une contention physique. Le terme “camisole” est banni du domaine psychiatrique.
Fantine & Hippocrate (Twitter)
Fantine ici souhaite très certainement, en toute bonne foi, nous expliquer ce que c’est que la camisole, ce que c’est que la contention et quels sont les termes qu’il faut utiliser et qu’il ne faut pas utiliser. Ce que nous dit Fantine c’est que ce qui est mimé c’est la contention physique, que le terme camisole est banni du domaine psychiatrique. Le fait que le terme soit banni ou non, là n’est pas le sujet parce que, comme elle le dit, ce qui est mimé ici, c’est la contention physique. Par contre, la contention physique telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, elle est pratiquée avec des sangles et sur un lit. Donc si on voulait pratiquer la contention d’aujourd’hui, ça aurait été un peu compliqué en sachant que pour eux, c’était déjà compliqué d’avoir quelque chose pour contenir Astronogeek puisque, comme je le saurai ensuite par des discussions en interne, ce qui était prévu, c’était au moins des menottes, un cordage, quelque chose pour le contenir. Donc l’idée de la contention elle est là. De toute façon, elle est là.
Astronogeek va confectionner 10 min avant le spectacle cette fameuse camisole, c’est-à-dire ce t-shirt duquel il ne peut retirer ses mains. Fantine nous dit que ici, c’est la contention physique qui est imitée et non pas le terme camisole puisqu’il serait banni de la linguistique psychiatrique.
Comment vous dire que, avec un t-shirt, c’est facile de juste créer des liens autour des poignets, c’est-à-dire faire quelque chose comme ça (gestuelle pour enrouler l’objet autour des poignets), qui ferait comme s’il avait des menottes derrière le dos. Ça c’est pas compliqué, tu peux le faire avec un t-shirt. Moi, ce que je vois ici, c’est un t-shirt utilisé pour lequel les bras ne ressortent pas.
Ça, c’est la figure de la camisole. Il n’y a pas d’autres objets au monde qui représente ce qu’il a présenté là. Ca s’appelle une camisole. En fait, on va revenir à la réalité de ce qui a été présenté sur scène. Il s’agit bien d’une représentation d’une camisole, ça a été confirmé à plusieurs reprises par différentes personnes. Des personnes n’ont pas compris que la camisole c’était quelque chose qui était associé à l’univers de la psychiatrie. Soit. Néanmoins, ce n’est pas parce que le terme est banni de la linguistique psychiatrique qu’il ne s’agissait pas devant nos yeux de l’objet même d’une camisole qui étaient représenté.
Comme je vous l’ai expliqué aussi au début de ce chatting, les fous on les a toujours bloqués. On les a toujours contentionnés, on a toujours limité leurs mouvements et leurs déplacements.
Ça existe depuis l’Antiquité et là-dessus je me permets de faire mon instant pub avec XilCast puisque nous avons commencé une série de streams sur l’Histoire de la folie. La première partie montée de ce stream est disponible sur YouTube, mais aussi sur Spotify en podcast.
Depuis l’Antiquité donc, les personnes qui sont agitées (parce que c’est la première préoccupation des médecins) on va les gérer avec des calmants puisque ça existe aussi. Il y a des plantes qui nous permettent de nous calmer. Nous avons donc tout simplement l’usage des chaînes. C’est pratique, on enchaîne des patients et puis voilà, on est sûr comme ça qu’ils ne bougent plus. Ces chaînes un jour vont arrêter d’être utilisées quand certaines personnes vont se rendre compte de ce qui se passe dans les asiles. Il va y avoir donc ce que l’on appelle la libération des chaînes des malades (le tableau s’appelle Pinel délivrant les aliénés). Il va y avoir donc l’usage de la camisole, qui n’est plus des chaînes mais un vêtement. La camisole, en effet, n’existe plus depuis l’arrivée des neuroleptiques. Sauf qu’en fait c’est ce qu’on appelle la camisole chimique. Mais en fait, on se rend compte que les neuroleptiques n’est pas suffisant et donc on va avoir l’usage d’une contention mécanique. Igor Thiriez a fait un super papier qui vous résume tout ça.
Je n’exclue pas que de telles dérives puissent encore exister à l’heure actuelle, mais si c’est le cas, elles vont à l’encontre de l’entièreté des recommandations en psychiatrie et doivent être dénoncées.
Fantine & Hippocrate (Twitter)
Fantine dit qu’elle n’exclut pas que de telles dérives puissent encore exister mais en fait la dérive existe. La contention mécanique existe est c’est une dérive en soi. On va vous dire “oui, mais pour des patients qui peuvent se faire du mal à eux-mêmes, on les attache un temps” ect. Mais vous ne vous rendez pas compte de l’humiliation que c’est de se faire attacher par plusieurs personnes quand on est en moment de crise, en moment de détresse. Que potentiellement on a mal, que potentiellement on a besoin de boire, de manger, d’uriner. Tous ces besoins ne sont pas respectés pour beaucoup de personnes qui se retrouvent à se déféquer et uriner dessus parce que personne ne vérifie. Ou alors que des fois elles peuvent aller aux toilettes mais en fait, la seule issue qu’elles ont, c’est un saut qui est laissé dans une pièce. Qu’elles peuvent rester des heures, des jours, des semaines, voire des mois pour certaines personnes. On a des réglementations de contention et d’isolement qui ont été dépassées, des personnes qui sont en chambre d’isolement parce qu’il y a plus de chambre disponible (donc on les laisse sur des lits de contention, ça veut pas dire qu’ils sont attachés).
En psychiatrie il se passent beaucoup de choses, et de dire qu’il puisse y avoir “quelques dérives” non. Il s’agit de “dérives” systémiques. Ces “dérives”, ça fait longtemps qu’elles sont dénoncées, qu’elles existent dans les rapports, et il ne se passe rien.
Justement, c’est dénoncé, on fait au mieux, mais on ne nous entend pas beaucoup. Il ne se passe pas grand-chose.
Là-dessus (sur la nature disciplinaire de la psychiatrie), je vous invite à me suivre pour écouter mes lectures de Foucault. En ce moment, je suis sur les Anormaux, mais j’ai aussi ses autres cours au Collège de France ainsi que son livre Surveiller et punir qui explique très bien ce que c’est que le milieu psychiatrique comme institution disciplinaire, de discipline des corps et des esprits.
Je vous joins aussi le rapport détaillé de la HAS. Il est très long. C’est sur “Mieux prévenir et prendre en charge les moments de violence dans l’évolution clinique des patients adultes lors des hospitalisations en service de psychiatrie”.
Cette représentation est caricaturale et burlesque. Et pourtant, si on oublie le venis potache, elle met en lumière un réel problème : les propos tenus sur les RS provoquent des troubles psychiatriques.
Fantine & Hippocrate (Twitter)
C’est ça que j’essaie de vous expliquer. Pourquoi c’est psychophobe ? Parce que ce que Fantine nous explique être de la caricature, c’est une caricature qui est stigmatisante puisqu’elle propage des idées et clichés faux sur la psychiatrie, sur les psychiatrisé‧es. Clichés qui participent à stigmatiser ces populations. Ce que je considère être non pas juste une caricature, mais bien de la stigmatisation, donc de la psychophobie c’est la façon dont Astronogeek est représenté : une façon qui vise à le présenter comme quelqu’un d’imprévisible, qui est dépassé par ses émotions, qui n’est plus contrôlé que par ses émotions, qui peut être dangereux et qu’il faut donc calmer et pour calmer il faut le sédater. Là, on revient dans un discours disciplinaire psychiatrique qui vise à dire que les personnes qui sont agitées il faut les calmer. Et comment on les calme ? Certainement pas en essayant de comprendre quels sont leurs besoins, mais plutôt en les dédatant. Et c’est ce que fait ici le sketch. Je rappelle que tout ce qui fait rire le public à ce stade c’est ça : le comique d’un Astronogeek qui a l’air un peu bizarre, un peu effrayant, bref qui se comporte comme un fou. Et ce qui fait rire aussi c’est qu’on va le sédater, qu’a priori on l’a pas bien sédaté, qu’on l’a trop sédaté, et puis après ce qui fait rire c’est qu’il est sédaté.
Bien qu’il ait été choisi de traiter la problématique par l’humour et l’exagération, le message est assez clair : Regardez ce qui pourrait se passer. Regardez comme Twitter peut détruire des gens. Regardez jusqu’à quelle extrémité on pourrait en arriver.
Fantine & Hippocrate (Twitter)
Encore une fois, je vous renvoie vers ce contenu qu’on essaie de faire sur l’Histoire de la folie avec XilCast puisque je parle de ce que c’est que la folie dangereuse au moment où je traite de la justice romaine. Car la folie dangereuse nous vient des Romains avec le terme de furiosus et là-dessus, n’hésitez pas à aller voir la vidéo qu’on a linkée plus haut. Qu’est ce que c’est que la folie dangereuse ? Qu’est ce que c’est que la fureur ? Pourquoi parler d’une personne furieuse et de folie furieuse ? C’est exactement faire le jeu psychophobe de considérer que les personnes qui sont violentes et qui sont dépassées par leurs émotions sont des personnes qui sont psychiatrisé‧es et qui ont besoin d’un diagnostic et de traitement. Les personnes psychiatrisé‧es ne sont pas plus violentes que la population en général, bien au contraire, elles sont d’ailleurs bien plus victimes que coupables.
Cette double lecture n’a pas été comprise par Xanaria. Ce n’est pas grave. Elle a réagi sous le coup de l’émotion, comme beaucoup depuis.
Fantine & Hippocrate (Twitter)
Bon, voilà, c’est normal. Mes émotions parlent à ma place. Je ne suis pas capable de construire un discours cohérent et sensé par ce que je suis trop dans l’émotion. Bon, vous le connaissez cet argument. Je n’ai pas besoin de l’expliquer. Je ne l’ai pas dit ici, je vais le rajouter comme ça à l’oral. Ce que j’aurais trouvé plus intéressant, par exemple, si on voulait partir sur cette idée de la “cancel culture qui détruit des personnes”, si on veut partir sur la psychiatrie, pourquoi ne pas parler de dépression ? Il me semblerait plus logique qu’une cancel culture aboutisse à des personnes en dépression qu’à des personnes folles dangereuses à sédater. Après c’est chacun sa lecture j’ai envie de dire. Chacun vient piquer ce qu’il a envie de l’imaginaire sur la psychiatrie pour en faire son spectacle.
Deuxième extrait vidéo de 45 secondes, posé à 23h41. Astronogeek est au pupitre avec @12parsecs, il dit sans bien articuler : “une piqûre ça va mieux”. Le public rit. Clément s’enquiert immédiatement : “ça va ? C’est la rouge ou la verte qu’on t’a donnée ?” “Les deux”. Le public rit. Clément gère un incident technique, jusqu’à prononcer le mot “cancel”. Le public rit. Avant même qu’Astronogeek n’ai pu commencer à jouer un malaise. Le public rit. Xanaria ne développe pas, ici non plus, quel est le problème. Je me permets donc d’expliquer pourquoi c’est très réussi.
Fantine & Hippocrate (Twitter)
Là, ce qu’elle explique, c’est qu’Astronogeek a bien reçu deux piqûres au lieu d’une. Et ensuite le mot cancel va être prononcé et on va le virer. Il va hurler mais ça elle ne le dit même pas.
Il dit aller mieux avec les piqûres, ce qui semble être un plaidoyer en faveur de la contention médicamenteuse (administrer un médicament sédatif), qui est, je le rappelle à toutes fins utiles, obligatoire en cas de contention physique.
Fantine & Hippocrate (Twitter)
Elle nous rappelle comment on discipline des individus psychiatrisés considérés dangereux pour eux-mêmes ou pour les autres. Elle nous rappelle comment ça se passe en psychiatrique, mais c’est bien au moins une médecin nous rappelle comment ça se passe. Je n’ai pas besoin d’aller argumenter là-dessus.
Puis il dit avoir eu les deux piqûres. Ce qui permet de mettre en lumière, peut-être trop subtilement pour une fin de convention à 23h, le problème de la surmédicalisation en psychiatrie. Dernier point : le public rit au simple mot-clé. Il a compris. Il trouve ça drôle.
Nous avons donc un Astronogeek qui souffre de la destruction des réseaux sociaux et qui, en solution psychiatrique, se voit mettre une camisole de force et sédaté pour ensuite être de nouveau exclu de la scène. À quel moment ceci plaide en la faveur du shoot aux neuroleptiques ? Je ne vois pas à quel moment une personne (parce que j’essaie vraiment d’aller dans leur sens, c’est-à-dire dans le sens de leur spectacle) qui souffre d’avoir été cancel par la culture woke mérite qu’on la contentionne par la camisole (ou par une autre contention). On peut même enlever le terme camisole, on peut même bannir le terme camisole de notre propre vocabulaire et juste dire que la personne doit être contentionnée et sédatée. C’est comme ça qu’on doit aider une personne en détresse à cause des réseaux sociaux ?
Toute la description que nous fait Fantine, c’est sa vision du spectacle. Et c’est bien qu’elle l’ait exprimé parce qu’on peut se rendre compte que le discours de Fantine n’est pas du tout celui de Clément, et n’est pas du tout celui d’Astronogeek, et ne sera pas du tout celui de Penseur Sauvage, et n’est pas du tout le mien non plus. En fait, ce spectacle a été interprété de différentes manières par différentes personnes. Personne n’arrive à se mettre d’accord. Qu’est-ce qui était dénoncé ? Quel était le propos ? Qu’est-ce qu’il fallait en dire ? etc. Et je vous avoue que j’ai été un peu gênée avec cette description de Fantine sur la question du plaidoyer et puis ensuite de la dénonciation de la surmédicamentation parce que les gens ne rient pas jaune dans la salle. On n’est pas là en train de se dire que “c’est vrai quand même. Piquer des gens c’est pas très bien”. Ce n’est pas ça qui fait rire. Et comme on le voit ce qui fait rire, comme l’ont dit d’autres personnes sur Twitter, c’est le comportement de “gogole” d’Astronogeek qui fait rire. C’est le fait qu’il hurle, qu’il est attaché, qu’on doive le piquer et que Clément essaie d’être bienveillant avec lui, qu’il ne sait pas trop quoi faire de lui, qu’il a envie de le virer de la scène et en même temps il a envie de l’aider, mais il s’y prend pas très bien ou alors d’autres gens s’y prennent mal parce qu’ils l’ont trop sédaté.
Bref, là-dessus donc, quand je parle de Clément qui dit qu’il s’agissait surtout de faire de “l’humour borderline”, c’est en fait ce qu’il m’a dit juste après le spectacle. C’est la discussion que j’ai eue avec Clément : c’était pour lui de faire de l’“humour à la Molière” et que si je n’apprécie pas son sketch, alors je n’ai pas de raison d’acclamer l’humour de Molière. Si je fais offense à son spectacle je fais offense à Molière, à l’art de Molière. Pour Clément c’était ça qu’il voulait faire. Il voulait faire du South Park, du Molière. Il était donc bien question de tourner quelqu’un au ridicule. Et ce que je ne comprends pas c’est que si la critique (et franchement je vais être de bonne foi) c’était les réseaux sociaux, pourquoi ce n’est pas les réseaux sociaux qu’on a tourné au ridicule ? Pourquoi c’est Astronogeek, la victime, qu’on a tourné au ridicule ? Et pourquoi ce ridicule se base sur la figure du fou dangereux qu’on sédate et qu’on contentionne ?
Pendant la discussion que j’ai eue avec Clément, il m’a apporté deux personnes handicapées. Il m’a dit d’abord “j’ai une personne handicapée qui est venue me présenter sa carte d’invalidité pour me dire qu’il n’avait pas été offensé par l’humour”. J’ai une carte CMI (mention Priorité) moi aussi, et je vais bientôt aussi l’avoir ma carte Invalidité. D’ailleurs je suis bientôt en invalidité de travail (je suis en mi-temps thérapeutique, ça fait bientôt un an). Moi aussi je suis concernée par la situation du handicap et par contre moi j’ai été choquée. Ensuite une autre personne, a priori un homme autiste, va dire “Moi je suis autiste et ça ne m’a pas choqué”. Ça tombe bien, moi aussi je suis autiste et j’ai été choquée, donc malheureusement j’ai répondu à Clément “On peut aller nulle part avec ce genre d’argument. Ce n’est pas parce que tu vas me trouver des handicapé‧es qui vont te dire que ça ne les a pas dérangé‧es, que ça annule ce que j’ai ressenti et le caractère psychophobe de ta vanne”.
Le comique de répétition est réussi.
Fantine & Hippocrate (Twitter)
Voilà comment on fait passer des messages simples par l’humour : Les RS peuvent tuer, les médicaments en psychiatrie sont utiles, mais parfois mésusés. Une minute pour faire passer trois messages de prévention. C’est brillant.
“Les réseaux sociaux peuvent tuer”, on ne l’aura pas vu. On n’aura pas vu un Astronogeek en danger de mort. “Les médicaments en psychiatrie sont utiles”, on a une promotion de la médicamentation telle qu’elle est pratiquée dans les hôpitaux psychiatriques. Et là-bas il y a aussi une surmédicamentation. Et ça, je vous lirai mon thread là-dessus. J’en parle car moi-même j’ai subi cette violence et qu’elle a été loin de là utile, au contraire, elle m’a mise en danger. Et je me permets parce que j’ai son accord (donc ça, c’est la minute violon. Mais parce qu’émotionnellement, c’est difficile de vous le dire) mais la psychiatrie a mis en danger la vie de ma propre soeur. Puisque la psychiatrie a mis ma soeur sous neuroleptiques quand elle s’est retrouvée psychiatrisée chez eux et à cause des neuroleptiques dont on sait que l’un des effets secondaires est la désinhibition et notamment la désinhibition face aux risques, face au danger et donc face à la mort, ma soeur a fait une tentative de suicide avec ces médicaments, s’est retrouvée d’abord aux urgences (parce qu’il fallait qu’on la sorte de là) et ensuite rebelote en psychiatrie. Pour moi, vous comprendrez que quand on me dit “les réseaux sociaux peuvent tuer, les médicaments psychiatriques sont utiles, mais parfois mésusés”, “mésusés” il me fait mal, m’voyez. “Une minute pour faire passer trois messages de prévention”, eh bien je suis désolée, la prévention ne passe pas par une minute d’un sketch tel qu’il a été fait là. Un message de prévention ça passe par potentiellement deux heures de live où je vous explique tout ce que je vous explique là, et énormément de recherches en amont, énormément de recensement, de témoignages pour vous expliquer ce que c’est que la psychiatrie concrètement. Et je ne suis pas la seule à dire que la psychiatrie met en danger énormément de psychiatrisé‧es et prive de liberté. On les a les psychiatrisé‧es qui ont été sorti‧es de l’hôpital parce qu’on les croyait stables. Mais en fait c’est parce qu’il y avait plus de lit. Et au final, le psychiatrisé s’est suicidé ensuite une fois chez lui. On les a les témoignages, on les a nos morts, on les a ces psychiatrisé‧es qui sont emmené‧es en contention juste parce qu’iels ont voulu revendiquer leurs droits vis-à-vis du personnel médical. Iels l’ont fait en haussant le ton, on leur a fait du tone policing (anglais, modération du ton) et iels ont fini isolé‧es. Moi-même j’ai été menacée quand j’ai fait des crises, j’ai pas été aidée et j’ai été sédatée. Bref tout ça je le raconte. Moi j’ai beaucoup cru aux médecins. Jusqu’à ce que ça me détruise. Mais moi l’alliance thérapeutique, j’étais à fond, et ça s’est très mal terminé.
Et donc pour Fantine on est sur quelque chose de brillant. Là-dessus elle va me reprocher l’outing (de Clément). C’est la raison pour laquelle j’ai supprimé une partie de la vidéo. Enfin, j’ai supprimé mon tweet où il y avait la vidéo entière et j’ai cuté (to cut en anglais, couper, sous-entendu couper au montage) et j’ai refait le tweet.
Ce qui est marrant, c’est que Xanaria, à 23h41, parle de scène “insupportable”. Pourquoi a-t-elle donc continué de filmer ?Pourquoi ne s’est-elle pas insurgé, ou n’est-elle pas partie ?
Fantine & Hippocrate (Twitter)
Donc là je vais faire mon droit de réponse (même si je crois que j’ai fait aussi un tweet là-dessus). Ce qui est marrant c’est qu’il y a beaucoup de choses que j’ai vécues qui était insupportables et que quand je me suis insurgée, on m’a dit “où sont les preuves ?”. Donc maintenant, quand quelque chose est insupportable, je filme pour avoir des preuves, pour pouvoir me prémunir. Et je pense que si j’avais fait ce tweet sans les vidéos ça n’aurait pas été du tout la même chose et je pense que mon cas aurait été beaucoup plus aggravé. Parce qu’aujourd’hui, il faut des preuves quand on est victime. Parce que ça ne suffit pas de dire “j’ai subi telle ou telle chose et j’en ai subi tels et tels dommages”. Maintenant il faut filmer. Donc j’insiste, j’ai continué de filmer parce qu’il était important que je documente ce que je racontais, que je donne le fait qui relate ma dénonciation, pour que chacun puisse se faire son avis. Et quand bien même ce serait sorti de son contexte : il n’y a pas besoin de contexte pour justifier une quelconque oppression, un quelconque discours oppressif. Il n’y a jamais de contexte au sexisme. Il n’y a jamais de contexte à l’homophobie. Il n’y a jamais de contexte à la psychophobie.
“Pourquoi ne s’est elle pas insurgée ?”, je me suis insurgée dans un espace où j’étais à peu près en sécurité. Comme je vous l’ai dit, je me suis insurgé sur Twitter qui est un espace public sur lequel je sais qu’au moins on ne pourra pas attenter à ma personne physiquement ou même verbalement (directement, on s’entend).
“Pourquoi n’est-elle pas partie ?”, c’est marrant il y a des gens qui sont partis. Troootsky, par exemple, fait partie des personnes qui ont dégagé à un moment donné parce que c’était trop. Et pas que la psychophobie d’ailleurs. Tout ce que je vous ai raconté avant. Parce qu’il y avait d’autres vannes qui n’étaient pas drôle du tout. Pourquoi je ne suis pas partie ? Premièrement, comme je l’ai dit je documentais. Deuxièmement, parce que je trouve ça irrespectueux de partir en plein milieu d’un spectacle. Je préfère regarder jusqu’à la fin. Troisièmement, parce que je pense que si j’étais partie entre-temps, on m’aurait dit que je n’étais pas rester jusqu’à la fin et je n’aurais pas eu les infos nécessaires pour critiquer correctement. Donc là au moins c’est quelque chose qu’on ne peut pas me reprocher. Mais bon, vous le voyez, on est toujours perdant dans ce genre d’histoire. Que je parte ou pas, finalement je pense que j’aurais perdu. Et enfin parce que je suis handicapée. Il n’y a pas de d’espace correct pour sortir, j’aurais dérangé tout un tas de gens pour pouvoir me déplacer. Et qu’est ce que j’aurais fait ensuite quand je serai partie ? J’ai des difficultés à me déplacer et il aurait fallu que j’attende quelqu’un pour m’accompagner pour descendre les escaliers ensuite pour prendre un Uber, enfin bref, vous voyez un peu. Et il y a un truc tout con, ça s’appelle la stupéfaction, c’est-à-dire qu’on assiste à un truc et on est en train de se demander si ce qu’on est en train de voir c’est vrai. Et je vais faire de la philo ou de la psycho de comptoir… [le chat me rappelle le mot “sidération” que je cherchais] merci, voilà la sidération… mais ce que j’ai fait aussi, c’est que quand je filmais, j’étais en train de réaliser au moment de filmer. C’est-à-dire que filmer et c’est aussi un moyen de prendre du recul avec ce qui se passe, c’est de se dire “Je ne suis pas dans un rêve” et surtout pour une personne qui se dissocie énormément comme moi, bah la preuve filmée est une preuve qui nous permet de nous ramener à la réalité et de se dire “Oui, en fait, là, il s’est passé quelque chose de grave, j’en ai la preuve, c’est pas dans ma tête”. Vous comprendrez qu’en tant que personne folle, c’est très difficile avec tous les discours qu’on entend, toutes les personnes qui nous gaslight (en anglais, détournement cognitif) à longueur de journée quand on est folle, notre parole n’a pas de valeur. Et moi ça, je l’ai entendu de par les maltraitances que j’ai subies dans mon enfance, mais aussi par les maltraitances médicales qui font qu’on ne me croit pas par ce que je suis psychiatrisée. Alors quoi de mieux que de filmer. Vous voyez tout ça ? Ça ne s’explique pas en un tweet et ça s’explique clairement pas au moment où je tweete. Et vous voyez qu’il faut du temps. Il faut le temps de se remettre de ses émotions. Il faut le temps de pouvoir streamer et de pouvoir en parler de vive voix. Parce que tout ça, ça se dit pas, ça peut pas se conscientiser et se verbaliser à l’écrit aussi rapidement et simplement quoi.
À un moment donné quelqu’un me demande des sources. Vous les connaissez ces zététiciens qui demandent des sources quand on explique des choses qui semblent aller de soi, à savoir que les stéréotypes augmentent la culpabilité et retardent les prises en charge. Donc oui, ce qu’il s’est passé-là dans ce type de vidéo ça peut tuer au final parce que ça participe à la stigmatisation et donc à tuer des gens.
Donc moi j’ai mis des sources.
Une analyse qualitative sur les expériences de discrimination rapportés par les usagers de services de santé mentale
Une étude sur la discrimination vécue par les personnes diagnostiquées de troubles schizophréniques
Une étude sur le stigma internalisé chez les patients schizophrènes
Un article sur l’histoire de la théorie de l’étiquetage modifiée ou l’analyse stigmatique revisitée
Je vous remercie d’avoir regardé cette analyse jusqu’à la fin. Si elle vous a plu, n’hésitez pas à laisser un pouce bleu. Vous pouvez aussi laisser vos remarques, vos questions ou vos suggestions en commentaires. Et pour la partie deux, on se retrouve très bientôt.