Les diagnostics c’est pour les dysfonctionnels

Image illustrative se voulant impactante par l'écriture en lettres blanches capitales épaisses "Diagnostic égal" et en-dessous aligné "dysfonction", le tout sur fond noir.

Dire à un psychiatre que l’on souffre n’est pas suffisant pour se faire diagnostiquer. Pourquoi ? Parce qu’il y a un paramètre essentiel sur lequel repose une partie du pouvoir du savoir psychiatrique : la dysfonction.

Souffrez tout en étant fonctionnel (travail, partenaire, responsabilités) et vous ne serez pas diagnostiqués. Car le savoir psychiatrique se concentre sur ce qui dérange, fait défaut pour la société, coince dans le système. C’est le psychiatre qui décide si la souffrance du fou mérite le soin, ou s’il s’agit d’une souffrance qui ne relève pas de son métier. Pourtant la psychiatrie est bien celle qui se charge des souffrances psychologiques non ?

Non, la psychiatrie ne s’occupe pas de ceux qui souffrent mais de ceux dont la souffrance les rend dysfonctionnels, ou dont la dysfonction fait souffrir. Le patient peut argumenter autant qu’il le souhaite c’est le psychiatre qui tranche. C’est à cet instant précis que nous entrons dans l’enjeu le plus absurde de la psychiatrie : la frontière entre la souffrance normale et la souffrance pathologique, appelée maladie mentale en opposition à l’esprit sain.

Tant que vous maintenez à peu près votre vie comme l’entend la société dans laquelle vous vivez, tant que vous ne causez de tort à personne ou que vous n’envisagez pas de vous mettre volontairement en danger, vous ne relevez pas de la psychiatrie. Vous pouvez vivre les pires choses, subir l’exclusion quotidienne, porter à bout de bras vos traumatismes, faiblir devant les bouleversements de votre vie, sentir que vous ne tiendrez plus longtemps : vous n’êtes pas malades, vous n’avez pas à être diagnostiqués.

Parce que pour que le psychiatre vous diagnostique, il doit voir en vous les signes de votre dysfonction. Incohérence, exagération, déficience, immaturité, erreur de raisonnement, confusion, contradiction : ce qui relève de l’anomalie dans l’expression de votre souffrance.

Raisonner convenablement sur sa souffrance sans laisser transparaître cette dysfonction n’intéresse pas la psychiatrie. Car la psychiatrie est convaincue de s’occuper de vrais malades. Et les vrais malades ne sont pas raisonnables. Voilà pourquoi le fou est toujours perdant face à la psychiatrie : s’il veut être diagnostiqué il doit d’abord passer ce rituel déshumanisant de l’examen de ses souffrances dysfonctionnelles. Et pour être considéré comme malade c’est sa raison qui doit dysfonctionner.

Le malade mental est celui qui a perdu sa raison ou qui ne sait pas raisonnablement raisonner. Rien à voir avec la souffrance donc. Ce qui compte c’est la pathologie de sa souffrance : c’est donc la souffrance dysfonctionnelle, celle qui ne fait pas sens.

Le psychiatre ne diagnostique pas des fous qui souffrent mais des malades qui dysfonctionnent. Croire que la psychiatrie soigne ceux qui souffrent c’est ignorer ce paramètre décisif qui tranche sur nos souffrances au nom d’un pseudo-savoir scientifique de la dysfonction.

Sources :

  • Histoire de la Folie à l’âge classique, M. Foucault
  • Les Anormaux, M. Foucault

Xanaria

Militante et vulgarisatrice antipsy et antivalidiste

2 Replies to “Les diagnostics c’est pour les dysfonctionnels

  1. C’est souvent faux.
    On peut rentrer dans ce qui rentre dans le registre psychiatrique sans souffrir pour autant.
    On peut être pris en charge par un psychiatre sans qu’il y ait un diagnostic posé ou un réel dysfonctionnement. Bcp sont suivis en consultation car ils souffrent à l’insu de tous.

    1. Votre premier postulat n’est pas en contradiction avec mon propos et votre deuxième postulat ne tient pas puisque toute prise en charge s’inscrit dans une grille Sécurité sociale donc avec un matricule correspondant au trouble pour lequel le patient est traité. C’est juste que le psychiatre informe arbitrairement ses patients de ses observations/conclusions. Plutôt étrange pour une discipline qui se veut médicale de traiter sans diagnostic, voire de diagnostiquer en fonction de la réaction aux traitements médicamenteux testés.

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